lettre d'un soir

… 3h00 du matin ; je retrouve les pièces silencieuses dont je me suis lassé trop vite … La soirée fut douce et étrange à la fois. Depuis quelques semaines, nos entrevus brèves et policées se sont changées en rencontres d’une inhabituelle et heureuse fréquence. Ton sourire et tes yeux brillants semblent m’avoir, pour un temps, choisi, moi et mon « mystère »… Ravi de jouer les accompagnateurs,  j’ai accepté tes premières invitations avec un plaisir discret ; un concours de circonstances agréable, pensais-je, me ramenait par à-coups dans ta vie. De balades sylvestres en soirées tamisées, j’ai goûté ta présence par petites bouchées, comme autant de gourmandises que l’on m’offrait, sans avoir fait beaucoup d’efforts pour les obtenir. Il y eut aussi ce bref message sur l’écran de mon téléphone : laconique, simple et magique …

Comme de plus en plus souvent désormais, j’ai espéré du coin de l’esprit que tu m’appelles ce soir, à nouveau ; même si j’essaye de m’en défendre, je me surprends quotidiennement à penser à toi. Des pensées sans buts, sans calculs, sans justifications, de petites flaques de bien-être dans lesquelles je marche malgré moi et qui m’éclaboussent.

Amélie livrait ses turpitudes nipponnes tandis que je caressais du regard cette longue mèche de cheveux qui coulait le long de ton visage ; un petit rideau châtain, un mur de papier japonais aux reflets cuivrés derrière lequel tu semblais te cacher à demi ; toute la grâce et la féminité y étaient incarnées. A quelques centimètres de là, ma main s’imaginait déjà en suivre les courbes, mes doigts y glisser avec une infinie lenteur… Pourtant nul geste n’est venu au secours de cette tentation : ma raison y veille.

A l’instar de la bicyclette, nombre de choses restent imprimées dans la mémoire du corps ;  il n’en est pas de même pour quelques autres. J’ai refermé les portes de ma spontanéité il y a bien longtemps, mis sous clefs mes élans authentiques, abrogé l’expression de mes sentiments premiers. Leur flot s’écoule en moi, traverse mille fois mon cœur, repasse à l’envi par les mêmes heures blanches, les mêmes regrets. Quelques gouttes, triées sur le volet, s’échappent parfois : toujours maquillées pour ne pas être reconnues.

Je fais un piètre courtisant. L’envie éperdue de séduire s’est émoussée au hasard des désillusions, des assauts répétés de la réalité … Par quel mystère puis-je te plaire un peu ?

Encore une fois, j’ai regagné ma voiture peu satisfait : je n’ai rien di, rien fait dont tu puisses objectivement te ravir. Quatre bises, parfois juste deux, et un « bonsoir » ; la vie s’écoule, la nuit est là. Elle enveloppe le monde, isole les pensées. Les miennes restent confuses, changeantes …

Et si la valeur des gens résidait dans leurs doutes ?

 

Tes cheveux sont à l’image de ton âme, doux et soyeux ; ils abritent la lisière de tes yeux clos sur quelques songes vagabonds. Merci de les avoir ouverts un peu sur moi.

 

Fabrice

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