Provence

 

 

 

 

On dit de la Provence qu’elle est belle et chaude, sucrée comme le miel, salée comme la Méditerranée … Des rêves de vacances éternelles et l’accent de Fernandel planent sur ses petites places de village. Mais de Marseille aux contrées avignonnaises, d’Arles la brûlante aux lacs transis du Queyras, quel est donc le visage de la Provence ? Les bouquets de lavande seraient-ils l’unique trophée de cette terre qui chante et les oliviers, écrasés de soleil, auraient-ils définitivement celés nos imaginaires ?… Pourtant, derrière les Calanques, au-delà des collines du Luberon, plus loin que les mystérieuses Baronnies, s’étendent des pays secrets et des vallées calmes que nul touriste n’envisage. Il est d’authentiques provençaux qui n’ont jamais vu la mer ; des forêts de mélèzes ondulent aux flancs de leurs montagnes, des marmottes s’enivrent de fleurs fraîches. Là–bas une horde de grands vautours fauves survolent une carcasse de mouton ; des eaux vertes comme le jade, glacées comme la neige, serpentent et grondent au creux d’un abysse. Des nuages sont venus s’échouer sur les roches dressées du Champsaur, et de curieux chapeaux de pierre coiffent de fragiles aiguillent de sable.

La haute Provence surprend même les plus blasés. Une mosaïque de paysages aux confins d’un arrière pays qui revendique toutes ses différences, tous ses contrastes. L’autoroute du soleil traverse ces trésors d’un trait de bitume : point de salut avant la plage, point de halte avant les terrasses anisées du port. Seuls quelques privilégiés gagneront, en amont, les mas paisibles autrefois méprisés des riches ; curieuse ironie du sort que ces bâtisses désormais hors de portée des gens simples, et qui furent construites par des mains de paysans démunis. La nature, elle, n’a pas beaucoup changé : en dehors de quelques sites connus, les cimes des Alpilles ou les dédales de la Drôme ne sont pas si fréquenté que cela. La chaleur y est pour beaucoup, l’ombre et l’eau n’y sont pas toujours conviées. Les vieux villages exercent une telle fascination  que l’on en oubli volontiers d’explorer les campagnes alentours. Quant à la mer, elle focalise tous les élans, toutes les envies. Aussi, la Provence préserve t-elle sans doute mieux qu’ailleurs ses espaces sauvages. Bien sure, chaque année les flammes emportent quelques milliers d’hectares supplémentaires ; en représailles, et par « sécurité », les préfectures verrouillent l’accès aux forêts. La nature ignorée, devient nature interdite…Peut-être un jour la Provence retrouvera ses racines et son unité : le sel se souviendra de la neige, la cigale du mouton, et le pin parasol du grand hêtre…  Lassé d’attendre que le temps passe au rythme des serviettes, le voyageur s’en ira arpenter les sentiers aromatiques, gagnera les lacs enchantés, gravira les cimes blanches des peintres, explorera des gorges oubliées. Le champ d’exploration est immense ; le patrimoine naturel et géologique tout à fait considérable. Ici, les dinosaures ont laissé des traces toujours visibles de leur passage : comme un moulage, les boues aujourd’hui devenues roches ont préservé l’empreinte des grands sauriens, sur terre comme en mer. A l’instar de la magnifique dalle à ammonites, non loin de Sisteron, les fossiles sont légions.  Giono racontait l’histoire fascinante de cet homme qui plantait des arbres : la nature provençale nous livre l’odyssée de temps immémoriaux qu’aucun homme n’a jamais connu…

 

Et lorsque saoulé de merveilles, nous retournons vers la mer, d’autres fortunes nous attendent. Au prix de quelques suées patientes sur de maigres cailloux, au moment où certains profitent du sable tiède à l’ombre d’un parasol, la transparence ultime des criques immobiles sera votre récompense. Plus à l’Ouest, des lagunes lisses accueillent les échassiers rose d’Afrique ; au crépuscule, l’eau se change en huile teintée de couleurs irréelles. Le soleil se fait peintre et rivalise de génie avec le grand Cézanne. Les roseaux ondulent sensuellement ; ils caressent les crinières diaphanes de chevaux encore libres. D’autres, moins chanceux, patientent laborieusement dans des boxes trop étroits ; le sourire d’un enfant les délivrera provisoirement, autorisant quelques pas sans surprise sur un sol brûlant.  Mais la Provence est encore terre de liberté : les Saintes Maries de la mer célèbrent chaque année le retour des gitans et de leur culte. Quelle ville de France peut se targuer d’une si grande tolérance ?…La Provence accepte et accueil ce que bien des provinces chasse et dissuade. La nature profite de cet esprit rare et précieux.

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